Entretien avec

Pantaléon Alessandri

Propos recueillis par Vannina Bernard-Leoni 
Photographies Lea Eouzan-Pieri

Aujourd’hui encore Pantaléon Alessandri est surtout connu pour avoir été l’un des fondateurs et chef militaire du FLNC. Et pour avoir pris ses distances avec le mouvement au milieu des années 1990. Son parcours de militant épouse l’histoire contemporaine de notre île. Revendications politiques, lutte armée, développement local et associatif : son engagement a pris des formes aussi radicales que variées, mais dessine une indéniable constance.
L’emu scontru indè ellu, in a pieve d’Orezza, è c’hè parsu forte cume un castagnu. 

«
Si l’objectif politique devenait l’indépendance, alors l’utilisation de la violence clandestine devenait cohérente…
»

Pantaléon Alessandri - Quì Magazine Vol.7

Quì / Comment êtes-vous devenu militant ? 

Pantaléon Alessandri / J’ai grandi entre Bastia et Nucariu. Mais à Bastia, je me sentais en exil. Dès l’âge de 12 ans, je montais seul au village tous les week-ends. Un cousin me montait le vendredi soir et me redescendait le dimanche. À la fin de l’école élémentaire, ma mère m’avait dit « si tu passes en 6e, tu pourras monter dormir au San Petrone ». Ça a été une motivation extraordinaire ! J’étais passionné de village et de sport : un jeune sans histoire, dans une famille sans histoire, pas du tout politisée. Au contraire, à 18 ans je détestais la politique : les gens qui se vendaient, qui promettaient leur vote pour un emploi… ça me faisait horreur, j’avais même honte d’être corse à cause de ça. 

Ma prise de conscience « politique », elle s’est faite très progressivement.

L’année de la terminale, en 1972, j’ai eu Georges Viale comme prof de sciences naturelles. Lui et sa femme, Denise Viale, étaient des enseignants très appréciés : sérieux, dévoués, on les aimait beaucoup. Ils étaient très engagés contre la pollution des boues rouges et nous ont sensibilisés. Quand on a appris qu’une manifestation s’organisait, toute la classe y est allée. On était tranquilles, j’avais même amené mon petit frère. Mais ça a vite dégénéré. Arrivés à la préfecture, la colère de la foule est devenue incontrôlable et j’ai assisté à des scènes qui m’ont profondément marqué : le Préfet ceinturé se prenait des gifles. Les CRS sidérés étaient incapables d’agir. À un moment donné, quelqu’un a crié « lampemu tuttu ! » et on s’est tous mis à jeter les dossiers par la fenêtre. Ghjera un parapiglia è tene !

À l’époque, j’étais très respectueux des lois, des institutions, mais cette ambiance de rébellion, m’avia messu u cerbellu in bullore ! Comme militant, je suis un enfant des Boues rouges !

Puis la fin d’année est arrivée et j’ai passé mon bac. Je ne voulais pas faire d’études, j’étais plutôt attiré par l’armée. Mais dans ma famille, ils ont insisté : « tu es le seul à avoir le bac, tu devrais continuer » et je me suis laissé convaincre d’aller en droit. […]

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