Par Marcel Jureczek
Illustrations Philippe Antonetti
Face aux mythes identitaires, la notion de fraternité est bien souvent la première à succomber.
«
Parce que nous étions Corses, nous étions nationalistes
»
J’étais enfant. À l’école primaire. Un matin, l’ami qui partageait mes jeux dans la cour de récréation, l’ami auprès duquel je m’asseyais dans notre salle de classe, mon ami n’était pas là. Il était malade. Je l’ai appris bien plus tard. Une fièvre soudaine l’avait tenu éveillé la nuit durant, la tête renversée sur la cuvette des toilettes, à rendre toute la bile que son estomac pouvait produire. Une fièvre née d’une peur incontrôlable. Sur son cahier d’écolier, notre instituteur avait inscrit : « La valise ou le cercueil ». L’intitulé glaçant d’un magnifique dessin couvrant tout le large de la page, orné d’une croix blanche finement tracée. Pour la première fois de mon existence je rencontrais l’idée de nationalisme.
Mon camarade de classe avait eu la fâcheuse idée de porter un nom à consonance française, bien qu’il fût corse au même titre que notre instituteur. Jusqu’à présent, je n’avais jamais évoqué ce souvenir. Mais une question ne cesse de m’obséder depuis lors. Pourquoi moi, avec mon patronyme d’origine polonaise, n’ai-je eu à subir, comme mon ami, un tel mépris ? […]
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