Par Marcel Jureczek
Photographie Jean-Christophe Attard
Le paysage urbain à taille humaine que nous connaissions n’est plus. La ville, violentée par les grands travaux et les intérêts privés, est livrée à l’amnésie et à la laideur.
«
Elle aime son quartier, elle ne partira pas !
»
Depuis ce matin, au lever du jour, j’arpente l’asphalte luisant de l’antique Borgu, la rue Fesch pour la plus grande partie des Ajacciens et des autres. J’attends que le petit bar du coin ouvre. Le patron termine l’installation de sa terrasse, quelques tables accompagnées de chaises en métal léger et déjà, les commerçants qui l’entourent prennent place pour le premier café de la journée. Le liquide est sombre et amer. Il nous tiendra certainement l’esprit éveillé de longues heures durant. Je lève les yeux. De gros nuages menaçants viennent presque raser les toits rouges. Mes voisins parlent de l’émission de la veille, de la rareté du client malgré les nombreux visiteurs.
Radicale.
Voilà quelle tournure a pris la mutation dans ce quartier. Finis les bars d’Arabes, les esclandres en pleine nuit, les immeubles miteux et mal éclairés, tuyaux d’évacuation des eaux usées balafrant les façades et les toilettes en terrasse, les arrière-cours envahies de détritus ; faites place aux façades maquillées à la façon ligure, à la rue piétonnière, aux bancs en pierre reconstituée, aux arbres en pot qui n’existaient pas, aux enseignes de luxe, aux portails à digicode. […]
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