Sainte-Hélène
Portfolio
Photographies & Texte Marcel Fortini
Propos recueillis par
Laure Filippi
Illustration Benoît Lamare
Figure emblématique du syndicalisme paysan, engagé de la première heure dans le combat contre les OGM et la « malbouffe », altermondialiste et homme d’action, mais aussi chantre de la non-violence et de la désobéissance civile, l’ancien député européen, que l’on a parfois surnommé « l’Astérix des temps modernes », analyse, à la lumière de son parcours, les enjeux et les effets transformateurs du militantisme.
«
Cette prise de conscience est à la fois individuelle et détermine la nécessité de mener une action collective
»
Quì / Contestataire, agitateur, rebelle… Les qualificatifs n’ont jamais manqué à votre égard, mais vous dites : « Avant tout, je suis un paysan »1. Vous considérez-vous comme un « militant » ?
José Bové / Je dois dire que je suis mal à l’aise avec le terme de militant. En anglais, aux États-Unis, le militant est vraiment la personne d’un parti, engagée dans une logique pure et dure de discipline. Et le terme employé au départ, duquel je me sens plus proche, est celui d’activiste. Aujourd’hui, d’ailleurs, on utilise davantage ce mot, notamment pour la cause écologiste, que celui de militant. Ce terme fait référence à une logique ancienne, du XIXe et d’une partie du XXe siècle. Il recouvre l’idée d’embrigadement, de suivre une ligne prédéterminée, à laquelle je n’adhère pas. Surtout à l’époque de mes premiers engagements, dès la fin des années 1960, où il y avait beaucoup de groupuscules qui étaient tous sûrs d’avoir raison contre l’autre. Donc j’ai été en rupture, car la sensibilité philosophique de mon engagement était à la fois la non-violence, et en même temps une vision philosophique et économique libertaire, par opposition à une autorité hiérarchique imposée du haut vers le bas. Personnellement, je n’emploie pas le terme de militant car dans militant, il y a militaire. Donc j’ai toujours participé à des groupes qui ne sont pas dans une logique de parti ou de ce type-là.
Q / Votre premier acte de rébellion a justement été de refuser le service militaire, en tant qu’objecteur de conscience. Votre milieu social et familial a-t-il influencé votre engagement ?
JB / Au niveau familial, il n’y a rien qui me prédispose, si ce n’est une attention toute particulière de ma mère quand, enfant, je me retrouve confronté à une forme d’autorité. Dès l’école maternelle et le tout début du primaire, je m’oppose à deux reprises à cette autorité et ma mère me donne raison, en interpellant directement les enseignants. Donc le soutien à mes révoltes d’enfant face à des choses qui paraissent absurdes et qui le sont, le fait d’avoir des parents qui m’écoutent, cela m’a certainement donné confiance en la possibilité de dire non quand je sens que ce n’est pas acceptable. Au-delà de ce sentiment d’injustice vécu personnellement, enfant, au départ, il y a une révolte qui cherche à trouver sa voie, par rapport à une injustice, par rapport à la manière dont le monde avance. […]
1 José Bové, Un paysan pour l’Europe, entretiens avec Claude-Marie Vadrot, Éditions Delachaux et Niestlé, 2009.
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