Entretien

Rachid Koraïchi

Propos recueillis par Laure Filippi
Illustration Benoît Lamare
Photographies archives Rachid Koraïchi

Reconnu au plan international pour son œuvre foisonnante, graphique et symbolique, l’artiste plasticien, descendant du prophète de l’islam, est aussi un membre éminent de la confrérie soufie Tijâniyya. Humaniste engagé, il a notamment édifié, en Tunisie, un cimetière pour les migrants, le Jardin d’Afrique. À la lumière de ses racines algériennes, de ses créations et de sa spiritualité, il incarne et révèle, sous un jour à la fois altruiste et œcuménique, la notion de fraternité. 

«
La fraternité s’éprouve dans le regard aimant de l’autre
»

Rachid Koraïchi - Quì Magazine

Quì / Vous êtes né en 1947 en Algérie, dans la région des Aurès, où vous avez grandi dans une famille de douze enfants. De quelle manière cette grande fratrie a-t-elle selon vous nourri, dès le plus jeune âge, votre rapport à la notion plus large de fraternité ?

Rachid Koraïchi / Nous sommes effectivement nés, avec mes six frères et cinq sœurs, dans cette région d’où est partie la révolution et qui concentrait les zones les plus dures de combat durant la guerre d’Algérie. Notre famille vivait dans une grande maison, avec les grands-parents, mais aussi les tantes, les cousines et les amies qui venaient régulièrement. Il y avait chez nous toujours beaucoup de femmes, lesquelles pouvaient donner le sein aux enfants sans qu’ils ne soient les leurs. Avant même l’idée de fraternité, cela fonde un rapport maternel large. Le rôle de mon grand-père soufi, un homme merveilleux, généreux, qui donnait beaucoup aux autres, a également été déterminant. Il avait l’habitude de dire : « Ce qui n’est pas offert est perdu » et « La parole est comme un coup de fusil, une fois sortie, elle ne revient plus ». Nous avons été élevés dans cette philosophie du partage et de l’amour, qui suppose aussi de veiller à ne pas montrer les inégalités, les différences, le fait de posséder plus ou moins qu’un autre. […]

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