Monde politique :
une défiance généralisée ?

Par Jean-Louis Fabiani
Illustrations Elish

Les enquêtes récentes montrent une défiance croissante à l’égard des professionnels de la politique dans tous les pays démocratiques. Si l’on pense que le personnel politique est malhonnête et inefficace, comment continuer de croire en la sincérité de la démocratie représentative ?
Les citoyens des pays développés sont d’abord des consommateurs qui attendent d’être satisfaits par la qualité des produits qu’ils achètent : or le monde politique ne peut pas leur offrir ce genre de choses.
Pour pallier ce « désamour », on peut revendiquer l’idéal d’une démocratie de proximité, où l’élu et l’électeur sont unis par des liens de connaissance directe.

«
70% des Français et
des Italiens disent que
leurs élus sont plutôt
corrompus
»

Jean-Louis Fabiani - Elish - Quì magazine vol 8

Les électeurs des pays démocratiques ont-ils définitivement perdu toute confiance en leurs élus ? C’est bien ce qui semble si l’on consulte les enquêtes comparatives qui ont fleuri en Europe depuis une vingtaine d’années. Il est pourtant difficile de conclure : les Français étaient-ils plus confiants il y a 50 ans ? On ne peut pas en être sûr, car les « baromètres » qui permettent de mesurer la défiance n’existaient pas. Nous parlerons surtout du présent, marqué par un grand désenchantement. Le baromètre du Cevipof1 sur la confiance qu’ont les Français en leurs élus montre leur insatisfaction croissante, toutes catégories confondues. Il y a bien un désamour qui s’exprime sans détour. Commentant la dernière vague d’enquêtes, le politologue Luc Rouban2 montre que 70% des Français et des Italiens disent que leurs élus sont plutôt corrompus. C’est énorme. Nous ne sommes pas tous également défiants : une très légère majorité des membres des catégories socioprofessionnelles supérieures pense que les élus sont malhonnêtes (51%) contre 79% des gens appartenant aux classes populaires. Le manque de confiance traduit probablement l’éloignement des citoyens à faibles revenus par rapport au monde politique, mais peut-être aussi des attentes plus grandes. Le poids croissant de l’abstention est un bon indicateur de la distance entre votants et candidats. On peut y ajouter la montée du vote populiste et la multiplication de mouvements sociaux sauvages hors de tout cadre politique ou syndical : l’exemple des gilets jaunes reste dans toutes les mémoires, mais le soulèvement des jeunes Corses en mars 2022 s’apparente aussi à ce type d’action court-circuitant les formes habituelles de la représentation politique. […]

1 Centre de recherches politiques de Sciences-Po, fondé en 1960.
2 Luc Rouban, « La crise démocratique et les faux-semblants », Note de recherche, Baromètre de la confiance politique, Mai 2023, p. 1.

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