Une immense procession d’icebergs s’étire dans le fjord au sud d’Ilulissat, en aval du glacier le plus actif de l’hémisphère nord. On entend le cliquetis incertain des flots contre les masses froides qui crissent en se percutant. Les morceaux de glace détachés, parfois hauts de deux cents mètres, s’éloignent au pas, imperceptiblement attirés par l’horizon, dans un silence marin entrecoupé de soudaines explosions quand l’un des monuments se retourne, ou s’écroule, sans crier gare. La valse mélancolique de ces géants à la dérive, qui se font plus nombreux et moins gros à mesure que le thermomètre s’affole, traduit l’irrémédiable fonte de la calotte glacière qui recouvre 80 % des terres du Groenland. C’est à ça que ressemble la fin d’un monde. […]