Le clapotis de l’eau troublée par les rames, le mouvement lent de sa barque ondulant à la force de ses bras, son chapeau de paille passant du flou au clair à mesure que l’embarcation se rapproche du rivage, la palangre en guise de traîne. La pointe de la Castagna, sa tour génoise, ses rochers polis par le vent, ses criques et son pêcheur : Joseph Luci. De cette anse à l’extrême Sud du golfe d’Ajaccio, on pourrait facilement se contenter de commenter la beauté, faire l’éloge de ses nuances de bleu oscillant du turquoise à l’azur autour du zénith, compter les bateaux qui, de tout temps, ont trouvé refuge ici. C’est autre chose qui se joue en ces lieux et les trois cabanons de bois échoués sur la plage, dont celui de Joseph, en contrebas de maisons cossues, nous guident vers cet au-delà autoproclamé « république libre de Castagna ». Ici pas de drapeaux ni de religion, quelques filets colorés et des embarcations en grève sur le sable tout au plus. Au « chante, bois et la maison brûle » le pêcheur, 13^e génération de marins, préfère « le pays de cocagne ». De son cabanon tout équipé sauf WC, hérité de son père avec chambre avec vue, il observe le va-et-vient du monde et la mer, « dernier espace de liberté ». Cet ancien membre actif des prud’homies, fils et arrière-petit-fils de langoustiers, un peu désabusé par l’excès de régulation et de réglementation qui entoure aujourd’hui la pêche, nous rappelle la place centrale de cette activité dans l’histoire familiale. […]