Vous me permettrez un détour. Que représente la Corse pour moi ? C’est le pays que j’ai et que je n’ai pas. C’est le pays auquel j’appartiens par toutes les fibres de mon être. C’est le pays qui est le point d’aboutissement de plusieurs siècles d’histoire, d’une histoire singulière ; et c’est le lieu où se poursuit cette aventure.

C’est le seul endroit dans le monde où je me sente absolument chez moi. C’est le seul lieu où nous sommes maîtres chez nous, potentiellement. C’est le lieu à partir duquel je peux me projeter à partir de l’expérience particulière qui est la mienne, qui donne un sens particulier aux questions que je me pose face à l’histoire, à la politique, à la philosophie…

La Corse, c’est le pays que j’ai et que je n’ai pas. La Corse est un pays avorté, un pays qui a échoué son indépendance. Le pays que l’on n’a pas, c’est l’une des plus terribles blessures que l’on puisse infliger à l’âme ; être contesté dans son existence même. Ce qui fait que lorsque l’on me dit ici ou là, « vous êtes français », je réagis toujours brusquement en affirmant : « non, je suis corse ». Car pour moi, la Corse est le seul endroit au monde où puisse se poursuivre ce bel élan de la culture corse et de son peuple.

C’est le pays que j’ai et que je n’ai pas, et pourtant, c’est le pays que je veux me donner. Je suis pour l’autodétermination des Corses. Car je demeure persuadé que si nous n’avons pas de pays, nous sommes condamnés à une forme de régression folklorique qui serait une triste fin. Je n’ai jamais été attiré par le destin de la réserve. Cette charmante prison d’où l’on extrait une fois par an le patrimoine poussiéreux à exposer aux visiteurs, qu’ils soient corses ou étrangers. […]