Il faut essayer de voir Corte comme un empilement de cercles concentriques : il y a la ville et dedans, le centre-ville. Encore dedans, le quartier des Lubiacce. Et encore dedans, le Cyrnéa.

Là tout au cœur, collé à une boulangerie, posté en sentinelle à l’entrée de l’un des plus vieux quartiers de la cité, un bistrot à la façade jaune qui proclame fièrement son nom au-dessus d’une tête de Maure encastrée. Quatre ou cinq tables réparties sur les deux trottoirs et une porte grande ouverte. Bienvenue dans un monument.

Il y a au Cyrnéa tous les codes du troquet dans lequel – dans une autre ville, un autre pays – le non-habitué ose rarement entrer. Les murs au crépi jaune qui ne donnent pas franchement bonne mine, la collection (complète ou presque) des carafes Casanis en forme de têtes de Maures, le mobilier typique. Et les blagues – typiques aussi – douteuses, voire carrément salaces. Il y a la petite plaque accrochée au-dessus d’une porte qui proclame que Hyacinthe, sexologue, est « spécialiste des petites molles et des dures ». Et le grand écriteau fixé derrière le zinc qui interdit de baiser au comptoir tout en précisant qu’assis à une table, chacun est libre de faire ce qu’il veut. Il y a aussi, et surtout, les gros rires un peu cassés de ceux qui peuplent les lieux et qui ont fait de leur bar un microcosme unique. […]