Reportage de Eva Mattei
Photographies Jean-Christophe Attard
Lorsque Martin Heidegger donne sa conférence « Bâtir, habiter, penser » en 1951, son pays est en pleine reconstruction. C’est dans ce contexte de l’après-guerre, que le philosophe va penser l’habiter comme une possibilité d’être au monde. « Habiter, c’est saisir que le présent est insuffisant », disait quant à lui Jean-Toussaint Desanti. Aujourd’hui, alors que la population mondiale est majoritairement installée en ville et que les modes de vie urbains ont converti le milieu rural, l’habiter et son cadre matériel renvoient aux mutations de nos sociétés, à l’urbanisation et la globalisation. Par ailleurs, ce qui relève d’une expérience de soi et des autres suppose de composer avec un espace situé et avec l’environnement. Quelles sont les manières de bâtir et d’habiter en Corse ? Face aux enjeux locaux et planétaires, quel rôle ont à jouer urbanistes, architectes et citoyens de l’Anthropocène ? Aux côtés de penseurs et d’acteurs du cadre vie, Quì se penche sur nos manières de dessiner, édifier et user de notre chez nous.
«
Le village que l’on habite aujourd’hui le mieux est celui où l’on estime pouvoir tout faire
»
« Face aux défis du réchauffement climatique et de la crise énergétique, à l’épuisement des ressources, à la densification démographique des villes et au renouvellement des campagnes, le devenir de nos habitats est à la croisée d’enjeux environnementaux, humains et sociétaux ». Ce constat, la Chaire Mutations et Innovations territoriales de l’Université de Corse, n’est pas la seule institution à le dresser.
Les Corses sont-ils, traditionnellement et historiquement, des bâtisseurs ? De quelles significations investissent-ils l’habitat, avec quel panel de techniques et de moyens ? Différentes typologies de l’habitat et de l’architecture au fil du temps, souvent ethnographiques, monographiques et rurales, s’agrègent sans vraiment donner de vision anthropologique et sociologique exhaustive…
Professeur à l’École Nationale d’Architecture et de Paysage de Bordeaux, chercheur au Laboratoire PAVE, membre titulaire du Centre Émile Durkheim (CNRS) et du Comité de pilotage du Centre d’innovation sociétal « Forum Urbain de Bordeaux », Guy Tapie est un sociologue dont les principaux travaux portent sur la fabrication des villes, l’habitat et la métropolisation. Et qui sait faire le lien entre sociologie et architecture.
Une architecture qualitative est aujourd’hui produite en Corse. Quels en sont les promoteurs et les instigateurs ? Et à quoi ressemblent ces univers capables d’offrir à la Corse et à ses habitants du beau et du durable ? Petit tour d’horizon au travers du Palmarès Régional d’Architecture en Corse.
Michel Vergé Franceschi a assuré la direction scientifique, en 2019, du 3e colloque d’Alata, « Habitat et architecture en Corse à travers les âges ». Loin d’une historiographie sèche et désincarnée, il tente pour Quì un compendium où se mêlent grande Histoire, souvenirs personnels et anecdotes. De quoi faire littéralement revivre nos vieilles maisons.
Josepha Milazzo est officiellement géographe ruraliste. Mais à « espace rural », la jeune chercheuse basée à Porticcio et contractuellement rattachée au laboratoire LISA de l’Université de Corse, préfère le mot « village », souvent « éludé » par ses pairs, pour définir ce qu’elle aborde sous l’angle psychosocial en essayant de déconstruire certaines figures. Portrait d’une chercheuse à travers son objet.
Bernard Klasen est prêtre et professeur à l'Institut catholique de Paris où il enseigne la philosophie de la nature, les fondements anthropologiques de l’architecture sacrée et l’architecture contemporaine des églises. Ce docteur en philosophie est aussi l’auteur de « Habiter. Une philosophie de l’habitat », un essai méditatif faisant dialoguer de grands penseurs, et un plaidoyer en faveur de cet enracinement qui structure chacune de nous en humanité.
Grand angle Société
Reportage de Jean-Christophe Attard & Susy Alamercery
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