De qui es-tu issu ? Qui sont tes ancêtres ?
Dante Alighieri, La Divine Comédie, Enfer,
Chant X, v. 42.

Qu’est-ce qu’une mère corse ? La mère juive a inspiré des livres et des films innombrables. La mère italienne n’est pas en reste. Leur antagonisme est même le sujet d’une blague. « Quelle différence entre une mère juive et une mère italienne ? La première menace son fils : « Si tu ne manges pas, je me tue. » Et la deuxième : « Si tu ne manges pas, je te tue. » » (Semblable menace de mort, à une nuance près.)

Mais la mère corse ? Est-elle un succédané de mère juive ? Une mère italienne par défaut ?

Éliminons la fable œdipienne qui sous-tend ces blagues. Le fameux fils, prisonnier des cadeaux, en forme de double injonction, de sa mère juive (« Tu n’aimes pas la cravate que je t’ai offerte ? », après lui en avoir offert deux), ou du gavage de la mamma (« Mange ! Tu es trop maigre ! »).

J’interroge la mère corse par la mienne, génitrice d’une fille unique. Je fais l’hypothèse qu’entre fils et filles, le schéma – si schéma il y a – est invariable.

J’ai un ami corse. (Cette phrase non plus n’a inspiré aucune blague.) Mon ami a un père calabrais. Dans l’histoire – son histoire, et celle de ce texte –,
seule la mère compte. Chaque fois qu’on se voit, il ajoute au portrait maternel une nouvelle anecdote. Pas besoin de connaître le dénouement, lui et moi rions aux larmes dès qu’il lâche le mot-clé : la mort, et surtout l’angoisse – et la jubilation – qui l’accompagnent. On rit à s’étouffer. Un fou rire aussi réconfortant qu’un plat de pâtes. Quand le fou rire s’éloigne, on se renfonce dans nos sièges ; on reprend notre souffle ; on essuie nos larmes ; repus ; complices. […]