Entretien avec

Frank BRUNO

Propos recueillis par Laure Filippi
Photographies Teddy Seguin

 

Amputé tibial à l’âge de 18 ans à la suite d’un accident sur le porte-avions Foch, où un avion de chasse a écrasé sa jambe droite, Frank Bruno a su faire de son handicap une force, en multipliant les exploits et les défis sportifs extrêmes. Créateur de l’association
« Bout de vie », auteur, coach, conférencier, celui que l’on surnomme le « cabochard » dévoile en toute sincérité les ressorts intimes du dépassement de soi et les enseignements tirés au fil
de son épopée solitaire.

«
Tu as deux solutions.
Ou tu vis plus fort qu’avant, ou alors tu te fous en l’air
»

franck Bruno - Quì magazine volume 6
franck Bruno - Quì magazine volume 6

Quì / Dans l’un de vos livres, vous citez Jack London : « Les plus belles histoires commencent toujours par un naufrage »1. Vous dites aussi que votre handicap a été une chance. En quoi votre vie aurait-elle été différente sans l’accident qui vous a coûté une jambe, il y a bientôt quarante ans ?

Frank Bruno / Je dis toujours une chose simple : j’aimerais rencontrer Frank Bruno, 58 ans, avec ses deux bras et ses deux jambes, je suis sûr que c’est un gros « branleur », sans aucun doute ! Dans ma vie de partage, notamment comme coach de sportifs de haut niveau, j’ai pu constater que tous les grands champions ont commencé leur carrière par une « merde » monstrueuse. Je prends souvent l’exemple d’un célèbre hockeyeur. On est en phase finale de la coupe d’Europe, il est le meilleur attaquant, mais il fait mal donc, selon les règles, il est tout le temps en « prison » et pénalise l’équipe. Un jour, je l’enferme dans une pièce, je lui montre toutes les vidéos et je lui dis qu’il va finir par tuer quelqu’un sur la glace. Je le bouscule, lui demande pourquoi et j’apprends que lorsqu’il a signé son contrat professionnel, à l’âge de 16 ans, sa mère s’est tuée au volant en venant le voir. On jouait alors contre Moscou et je lui ai dit : « Écoute, ce soir, il n’y a pas 17 000 Russes dans le public, mais il y a ta mère, qui veut voir un sportif de très haut niveau, qui marque des buts, qui respecte l’adversaire et qui donne beaucoup d’amour ». Il nous a fait gagner le match et à la fin, il a cassé sa crosse en disant « This is for you, mother », « C’est pour toi, maman ». Donc ma conclusion est qu’effectivement, hélas, tous les gros coups durs nous bonifient. Pour qu’un arbre donne de beaux fruits, il faut lui couper régulièrement les branches.

1 Frank Bruno, Carnet de voyage d’un homme libre, éditions Clémentine, 2018, p. 21.

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